Si sous toutes les latitudes perdre son conjoint masculin est une épreuve difficile pour les femmes, en Afrique, c’est le plus souvent le début d'un calvaire qui dure pratiquement le reste de la vie des veuves. Hormis la perte du pilier de la famille (généralement la plus grosse source de revenu), et même la perte d’un partenaire et équipier, les veuves africains doivent faire face à bien d'autres challenges. Entre les rites de veuvage dignes des ordalies moyennageuses et la guerre autour de l’héritage, sans parler de l'impossibilité de refaire sa vie,la vie des veuves est presque partout au Cameroun un long et lugubre parcours d'obstacles.
Survivre aux rites de veuvage.
Inspirés directement des anciennes superstitions qui restent d'ailleurs vivaces, les rites de veuvage dans toutes les communautés ethniques sont pour les femmes un énorme traumatisme. Il s'agit encore souvent de démontrer qu'on a pas tué mystiquement son conjoint. Et sous couvert de tradition, les membres de la famille du défunt ( le plus souvent d'autres femmes, ce qui n'est pas le moins étrange dans tout ça) en profitent pour assouvir des vieilles rancœurs.
Chez les bulu par exemple, l'un des moments les plus horribles pour les veuves est le moment où on menace la veuve de lui faire manger de la matière fécale.
Yolande,45 ans passée par ce moment terrifiant se souvient « Je voulais juste mourir. J'ai d’ailleurs fini par être très malade. Imaginez juste toutes ces tracasseries alors que la seule chose que vous voulez c'est faire votre deuil »
Pour Berthe 40 ans, une veuve originaire de la région de l'ouest, c’est l’épisode du « lavage de veuve » qui lui reste en travers de la gorge « Il fallait que je couche avec un des frères de mon mari. C’était d'autant plus horrible que mon mari était constamment en conflit avec ses frères »
Pour Angeline, restée veuve à seulement 32 ans, le plus dur c’était la tonsure « Ça peut paraître incroyable, mais à la mort de mon mari, la première chose qui m'a traversé l'esprit c'est. Mon dieu ! Ils vont me tondre ! »
En effet, presque partout, il est exigé de la veuve qu'elle se rase la tête, en plus d'autres traitements humiliants tels que se rouler dans la boue ou prendre un bain tôt le matin à la rivière sous un froid de canard.
Une fois qu’elle a survécu aux veuvage, la veuve doit s'armer de courage pour faire face aux appétits de la famille du défunt qui estime trop souvent être les seuls vrais ayant droit de leur « frère »
Heriter, une guerre perpétuelle.
Cour du tribunal de première instance d'Ebolowa, une femme d’âge indéterminée, tout de noir vêtue essaie de calmer deux jeunes gens qui gesticulant et hurlent. Jeanne, une veuve d'un militaire mort au NoSo, a du mal à contenir des enfants qui veulent en découdre avec un sexagénaire assis sur un banc non loin de là . Le sexagénaire comme nous l'apprenons est le beau-frère de Jeanne, « Mes enfants et moi subissons de fortes pressions de la part de mes beaux-parents depuis que l’Etat nous a versé une certaine somme, environ 9 millions de Fcfa d’indemnisations. Voyez-vous, ma belle famille veut s’accaparer l’argent versé pour la prise en charge des enfants dont le père n’est plus de ce monde. C’est une situation intenable, traumatisante pour toute la famille », dénonce-t-elle. L'arme de sa belle famille ? La validité de la paternité des enfants, nés, comme c'est souvent le cas , avant le mariage des parents.
On apprend en off que l'intransigeance du beau frère n'est pas étrangère au refus de Jeanne de céder à ses avances. Une situation bien trop commune pour les veuves ici.
La fidélité par delà la tombe.
Si dans certaines cultures (notamment occidentales) il est coutumier de voir une veuve se remarier dans des délais plus ou moins longs, en Afrique, une telle occurrence reste perçue comme un outrage à la mémoire du défunt.
Le plus souvent, la seule possibilité( c’est parfois même une exigence) qui s'offre à la veuve est de s'unir soit à l'un des frères, soit à l'un des neveux de son époux.
Il est clair qu’à ce jour, la femme reste perçue comme un bien acquis par la famille de son époux contre une dot. Un bien donc qui ne saurait changer de propriétaires sans compensation.
Les vielles traditions ont plutôt la peau dure.
Si ça et là des voix se lèvent pour dénoncer ces traitements dégradants, les tentatives de remises en question ou d'abolition de ces pratiques nocives se heurtent aux revendications identitaire, portées le plus souvent—aussi étrange que ça paraisse—au nom de la tradition, par des femmes âgées qui elles-mêmes sont passées par le veuvage. Ce qui place en porte à faux les organisations féministes, qui sont alors accusées de tentatives de destruction du fond culturel bantou au profit des « valeurs occidentales
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